Ce n’est un secret pour personne que l’Occident vit maintenant dans une période post-industrielle. La mondialisation nous offre dorénavant des cornichons de l’Inde, des vêtements provenant de Thaïlande, et des téléphones fabriqués en Chine. Ici, en Amérique du Nord, nous consommons plus que jamais, ravis de ces prix abordables, sans réfléchir aux conséquences de cette nouvelle organisation transnationale. Dans certaines régions, comme le fameux Rust Belt américain ou le nord-est de la France, la désindustrialisation est surtout synomyne de pertes d’emplois par milliers, et d’un climat social qui, dans ces milieux traditionnellement syndicalistes et donc de gauche, favorise maintenant la montée de l’extrême-droite comme nous avons pu le constater lors des dernières élections. La main d’œuvre asiatique, réputée bon marché, et les accords de libre-échange sont souvent les premiers accusés.
Il ne faudrait cependant pas oublier que c’est le transport maritime qui a surtout rendu tout cela possible, par deux systèmes mis en place après la Deuxième Guerre mondiale : les pavillons de complaisance et le système de transport standardisé par conteneurs. En réduisant drastiquement les coûts de transport, ces deux systèmes ont conjointement permis que nous puissions dorénavant payer 6,95 $ pour un t-shirt chez H&M ou 1 $ pour n’importe quel accessoire chez Dollarama, puisque plus de 95 % du commerce mondial transite par la marine marchande.
Par des mesures fiscales souples et un minimum de contraintes en ce qui concerne la sécurité des navires et le droit du travail, les pays offrant les pavillons de complaisance (dont le Panama, le Libéria et les Îles Marshall) exercent un puissant attrait chez les armateurs, 71 % du tonnage total de la marine marchande en 2015 étant immatriculée dans un de ces pays.
En ce qui concerne l’utilisation du conteneur standardisé pour le cargo, il permet notamment de réduire et d’ultramécaniser la manutention, diminuant ainsi de façon significative les temps d’arrêt aux ports pour le chargement et le déchargement. Il simplifie aussi l’ensemble du transit, de l’usine jusqu’au distributeur.
Réflexion directe sur la marine marchande, « Ilona » cherche surtout à nous amener à nous questionner sur les conséquences de ces systèmes mis en place et exacerbés par près de quarante années de néolibéralisme. Comment, comme simples consommateurs, pouvons-nous avoir une incidence sur ce qui menace plus que jamais le tissu social de nos communautés? « Réfléchir globalement, agir localement » : cette formule employée par René Dubos lors du premier sommet sur l’environnement en 1972 résume bien toute l’inspiration derrière ce projet.